C’étaient des enfants – Dans les collections de la Maison d’Izieu Du 4 avril au 30 septembre 2024

Commissariat de l’exposition

Stéphanie Boissard, Responsable recherche, archives et documentation à la Maison d’Izieu

Le Sifflet ©Maison d’Izieu. Ce sifflet fut offert par Raoul Bentitou à l’institutrice Gabrielle Perrier, afin de l’aider à regrouper ses élèves. Elle le retrouva dans sa blouse lors de son retour à la Colonie après la rafle.

 

C’étaient des enfants ! est la quatrième exposition temporaire de la Galerie Zlatin.

Après les dessins des enfants puis les lettres et photos de Georgy, L’Année 1943 à la Colonie nous replongeait 80 années en arrière au moment de l’installation de Sabine et Miron Zlatin à Izieu et contait la vie des habitants de la Colonie durant cette année 1943.

C’étaient des enfants ! suit naturellement le cours de l’histoire.

Documents originaux et objets inédits transportent le public au début de l’année 1944. La sérénité du quotidien des enfants à la Colonie vient s’opposer à la crainte du danger imminent et à la violence de la rafle. S’ensuivent les premiers contours de la  mémoire, esquissés par les requêtes des familles et les témoignages des proches. L’engagement des plus tenaces à ne pas oublier conduira à l’inauguration du mémorial en 1994.

La vie est presque ordinaire

Lettre de Georgy Halpern à son père. ©Maison d’Izieu, Archives Beate et Serge Klarsfeld

 

Bien que la Colonie soit un lieu de passage, les adultes s’efforcent de former une sorte de cocon autour des enfants. Ils veulent pour eux un rythme de vie ordinaire, des repères, peu importe le temps qu’ils restent à Izieu.
Les enfants aident à la préparation des repas, vont en classe avec l’institutrice Gabrielle Perrier ou au Collège à Belley. Ils dessinent et organisent des spectacles. Ils saisissent chaque occasion de fêtes. Ils s’approprient les lieux et font de la campagne environnante leur terrain de jeux. Ils écrivent régulièrement à leur famille.
Ils rient, chantent, dansent, se lient d’amitié avec leurs camarades… ils vivent leur vie d’enfant. Certes, tout n’est pas rose ; nous sommes en temps de guerre. Les moments de joie n’effacent pas la souffrance des enfants : ils sont séparés de leurs parents et ont perdu leur foyer. Certains réussissent à quitter la Colonie pour trouver refuge auprès de leur famille ou d’amis.
Après le froid de l’hiver, les enfants demeurant encore à la Colonie s’enthousiasment de l’arrivée du printemps. Ils se projettent, travaillent avec ardeur à l’école pour que leurs parents soient fiers et rêvent de leur avenir

 

La menace approche

Les inquiétudes grandissent, les adultes cherchent des points de refuge. Léa Feldblum utilise ce sauf conduit pour convoyer des enfants vers l’Hérault début mars 1944. D’autre départs sont prévus pour le 11 avril. Sauf-conduit de Léa Feldblum ©Maison d’Izieu, Archives Beate et Serge Klarsfeld

 

Les Italiens ont capitulé. En septembre 1943, les Allemands prennent le contrôle de la zone. Quatre mois plus tard, la tension est palpable. Les règles ont changé : les quelques exceptions aux lois antisémites n’ont plus cours. Le 7 janvier 1944, celui qui avait soigné les habitants de la Colonie depuis sa création, le Dr Ben Drihem, est
arrêté puis déporté. Un peu plus d’un mois après, le 8 février, les bureaux de l’OSE-UGIF de Chambéry sont raflés ; dix personnes sont arrêtées et envoyées en déportation à
Auschwitz. Soutien indéfectible le sous-préfet Pierre-Marcel Wiltzer est muté. Les remparts de protection tombent les uns après les autres.
Sabine et Miron Zlatin comprennent qu’ils doivent agir vite. Avec l’aide des autres adultes de la Colonie, ils cherchent des solutions pour disperser les enfants. Léa Feldblum conduit certains d’entre eux vers l’Hérault début mars. Pendant ce temps, la vie quotidienne continue pour les enfants restés à Izieu. Marie-Louise Bouvier, nièce de Mme Perticoz, sort son appareil photo et consacre une pellicule aux enfants. Ils posent volontiers par petits groupes avec la Chartreuse pour arrière-plan.

 

Comment vivre après l’horreur

Retour à l’envoyeur ©Maison d’Izieu, Archives Beate et Serge Klarsfeld. Après la rafle, le courrier destiné aux enfants ne peut être livré. La mention « Le destinataire n’a pu être atteint » est ajouté au verso de l’enveloppe avant son renvoi vers l’expéditeur, ici Sérafine Halpern, la maman de Georgy.

 

La rafle a lieu le 6 avril 1944 au petit matin alors que Sabine Zlatin est à Montpellier pour organiser la dispersion des enfants. Les 44 enfants et 7 de leur éducateurs sont emmenés à la prison de Montluc à Lyon puis transférés à Drancy. Miron Zlatin et les deux jeunes adolescents sont envoyés dans un camp de travail en Estonie où ils sont ensuite fusillés. Tous les autres sont déportés vers Auschwitz.
Seule Léa Feldblum revient. Dans sa déposition du 11 mai 1945, elle raconte le déroulement de la rafle. Les informations ne circulent pas aussi vite qu’aujourd’hui. Certaines familles ont attendu des mois avant de connaître le sort réservé à leurs proches, enchainant lettres retournées à l’envoyeur et démarches auprès des institutions, en vain.
Les survivants sont démunis face à l’épouvantable vérité. Certains d’entre eux vont œuvrer pour que le souvenir des enfants perpétue. Sabine Zlatin, aidée notamment par le souspréfet Jean Cardot, va dès 1946 rassembler la population pour la première commémoration. Une plaque est apposée sur la maison et un monument du souvenir est érigé au pied la colline, dans le village de Brégnier-Cordon. Dès les années 70, Serge et Beate Klarsfeld accompagnés de mamans d’enfants de la Colonie mettent tout en oeuvre pour retrouver Klaus Barbie et le traduire en justice. Suite à ce procès, l’association est créée et le musée-mémorial voit le jour afin de continuer le travail de mémoire initié.