Hommage à Pierre Truche

Procès K. Barbie, 1987 © INA

La mort de Pierre Truche nous frappe douloureusement à la Maison d’Izieu. Il avait pris une part essentielle à sa création et à son développement suite au Procès Barbie qui fit découvrir au monde l’horreur de l’arrestation des 44 enfants réfugiés en ce lieu préservé et de leurs 7 éducateurs, tous exterminés à Auschwitz sauf une adulte ; procès qui contribua à ramener en France la mémoire des déportés juifs exterminés.

Nous nous associons au deuil de ses proches, à leur peine accrue en ces temps de confinement qui empêchent tout rassemblement. Quel hommage formuler pour ce grand Monsieur, à la carrière exceptionnelle ? Les mots sont faibles mais c’est la seule possibilité.

J’ai eu le privilège de connaître Pierre Truche après la condamnation de Barbie quand fut constitué le Comité scientifique chargé de concevoir le projet d’une maison, devenue par décret présidentiel un des trois lieux au plan national de la mémoire de la Déportation. Chacun des participants, les historiens éminents, les responsables politiques, étaient conscients de la façon exemplaire dont il avait conduit le Procès, en tant que procureur général, pour que l’assassinat des Enfants d’Izieu demeure au centre de l’accusation, justifiant la qualification de crime contre l’Humanité.

Sa rigueur d’analyse, sa pondération, son humanité l’ont vite désigné comme une référence pour le projet à venir.  Il était aussi un lyonnais se partageant entre la ville et sa maison du Beaujolais, curieux de tous les aspects d’une région qui ne se donne pas au premier venu. Il donnait beaucoup de lui-même sans compter son temps alors que sa carrière se poursuivait de la façon la plus brillante comme Premier président de la Cour de cassation et Président de la Commission consultative des Droits de l’Homme.

Dans la conduite d’un tel projet qui allait engager l’enseignement de la Shoah aux jeunes générations, bénéficier de ses avis était précieux. Le droit dont il était spécialiste et l’humanité dont il était pétri, s’associaient en lui pour éviter les dérives des élans généreux mais parfois inefficaces de la compassion. Il était très conscient de l’évolution des mentalités et de la nécessité que les jeunes prennent le relais et soient aux responsabilités. C’est pourquoi malgré mes réserves il s’est mis en retrait très tôt du Conseil d’administration ; Mais ses avis, son intérêt étaient toujours au service de la Maison.

Sans jamais prétendre à être sur le devant de la scène, Pierre Truche nous donne l’exemple d’une carrière de magistrat la plus brillante qui soit, et d’une modestie non feinte mais toujours pratiquée. La distance vis à vis des honneurs qui permet de préserver le juste regard sur le monde,  il l’a toujours gardée.

Nous le savions malade et très reclus ces derniers temps, mais sa disparition crée une sorte de déséquilibre dans la pensée  de ceux qui l’ont connu et ont été pris avec lui dans l’aventure magnifique de la création de la Maison d’Izieu. Nous pensons à sa femme à ses enfants et petits enfants dont il était si proche et leur disons notre peine et notre reconnaissance.

Hélène Waysbord, Présidente d’Honneur de la Maison d’Izieu

 

Complément d’information sur le site de l’Association française pour l’histoire de la justice

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